Porter une coupe menstruelle est-il un acte féministe ?

La coupe menstruelle, que nous appellerons « cup », est un petit réservoir en silicone chirurgical (le plus souvent) permettant de recueillir le sang des règles. Placée directement dans le vagin, elle est indolore et permet une protection longue durée : il suffit de la vider environ toutes les 12 heures.

Cup et féminisme ?

            Six mois maintenant que j’utilise la cup. J’ai donc eu envie de faire du prosélytisme en partageant mon expérience et mes réflexions. Au fil de ces mois, j’ai développé un fort sentiment d’amitié pour ma cup. Elle améliore tellement ma qualité de vie pendant mes jours de règles que je me suis demandé : La cup est-elle féministe ?

Outre l’économie faite sur les tampons et serviettes (de 500 à 600 euros en 10 ans) et l’évidence écologique, je vis ce petit objet comme une libération de la femme que je suis.

Alors que nous voyons notre anatomie disséquée dans toutes les publicités, les règles sont encore un énorme tabou. Perçue comme gênante, intime, voir sale, nous sommes contraintes de nous faire discrètes sur la réalité de nos entrailles.

Comme si notre vagin ne nous appartenait pas nous devrions faire en sorte qu’il reste un attribut du désir masculin, un lieu de passage exclusif des verges en érections Il nous faudrait ménager les hommes de la  « souillure » présente une fois par mois dans leur palais des plaisirs. Supporter les mythes et lourdeurs sur notre prétendu mauvais caractère en période de règle ne suffit pas, nous devrions aussi développer une pudeur intrinsèque sur ce phénomène biologique.

J’enfonce ici une porte ouverte pour toutes lectrices déjà acquises à la cause féministe ; nous savons bien que notre utérus et notre sexe, ne sont qu’une concession du genre masculin puisque nous sommes dans un système de domination masculine. Assistez en France, à un débat sur l’IVG et vous aurez quelques éléments abondants dans mon sens.

C’est pourquoi ma cup me libère. Non seulement je n’ai pas honte d’avoir mes règles, mais je les vois, j’en perçois la quantité, je vide mon sang dans les éviers et les baignoires, je m’approprie mon vagin, même pendant mes menstruations. J’insère la cup avec mes doigts dans mon corps. Et une fois  positionné, je n’y pense plus pendant 12 h. Les culottes en dentelles sauvegardées et la tête enfin libre.

            Selon moi, la coupe menstruelle est bel et bien féministe. Inspiratrice de liberté d’esprit, émancipatrice de ma vulve,  attestation siliconé que mon corps m’appartient.

Petit conseils pratiques:

  • La position accroupie est idéale pour insérer la cup au plus proche du col de l’utérus (un peu comme un anneau vaginal).
  • Il est conseillé de vider votre cup toutes les 12h mais il n’y a aucune contre-indication à la garder plus. Moi même, je l’oublie souvent 24h et je ne prends aucun risque de fuite.
  • La cup peut faire un bruit de succion quand on l’insère (on la pince pour la faire entrer) ; et ce bruit peut vous gêner car il fait penser à un prout.
  • Vider sa cup sous la douche présente plein d’avantage, on peut s’accroupir facilement, la rincer, se rincer, et sortir en se sentant hyper sereine.
  • Le sang n’étant jamais en contact avec l’extérieur il ne s’oxyde pas, on évite ainsi l’odeur caractéristique des règles. Vous n’avez pas la sensation d’humidité de la vulve (quand on porte des serviettes) ou de sécheresse vaginale (quand on porte des tampons) et donc pas de risque de mycoses.
  • Il existe différentes cups, adaptées à toutes les morphologies et à toutes les règles.
  • Si la tige de votre cup vous gène, vous pouvez la couper pour la raccourcir.

Je salut Sophie Pierre Pernaut (@sophieriche) et son hilarante vidéo sur Madmoizelle.com qui m’ont convaincue.

Terpsichore

Culture du viol dans la danse : Le Sacre du Printemps

1913. Date de naissance de la danse contemporaine.  Ou la création – scandale du Sacre du printemps. C’est en  1911 que le compositeur Igor Stravinsky commence l’écriture d’un ballet pour son ami et chorégraphe Valsav Nijinski et ils rompent ensemble les conventions de leurs arts respectifs : la musique et la danse classique. La pièce fera d’abord un esclandre auprès de la critique avant de triompher un an plus tard et de porter ses auteurs au rang de génie. Cette création en rupture avec son temps est perçue comme l’œuvre fondatrice de la danse contemporaine. Elle est aujourd’hui devenue incontournable et chaque chorégraphe la revisite dans sa carrière sous forme d’hommage à l’œuvre majeure du siècle. Le livret de composition raconte l’histoire d’un rituel païen fictif : l’assassinat d’une jeune vierge pour que la communauté voit revenir le printemps. Une résurrection commune passant par la sélection et le sacrifice d’une jeune fille. Cette fable se compose en plusieurs parties relatant la rafle des jeunes vierges au sein du village, la sélection de l’élue, le viol dont elle est victime puis son sacrifice. Oui, c’est gai.

La danse contemporaine a donc choisi comme emblème l’histoire des violences faites aux femmes, et authentifie la culture du viol prégnante dans nos cultures et dans l’art.

I. Esthétique des violences

Le Sacre du Printemps est une œuvre qui témoigne de l’influence du monde patriarcal sur l’esthétique artistique.

 Glorification de la virginité. Dans les versions de Nijinski, Maurice Béjart, Pina Bausch et Marie Chouinard, pour ne citer qu’elles, les femmes sont vêtues de blanc, couleur traditionnelle de la pureté, l’innocence et la virginité dans le mariage.  Les hommes, eux, sont en couleurs. Dès le départ, ces femmes sont valorisées par leur hymen intact. L’idée archaïque et prégnante de leur virginité comme qualité principale.

Résignation féminine. La thématique du sacrifice féminin est largement abordée. Pas une de ces élues ne luttent réellement. Elles passeront toutes par une phase d’acceptation de leur sort : ce sont des dominées conscientes que leur mort apportera la résurrection du printemps et la prospérité à leur village. Leur mutisme est une norme et leur fatalisme les célèbre.

Esthétisme de l’enlèvement. L’esthétique dans la violence est le fondamental de cette œuvre. Sur une musique tonitruante, les hommes exhibent leurs muscles et leur force physique. S’en suit une rafle, où ces derniers violentent et rendent captives les femmes du plateau, le tout dans la tradition la plus plastique de la danse : d’une réalité glaçante, passons à une beauté à coupée le souffle. Femmes portées à la volée, contacts grandiloquents et chutes vertigineuses.

Vif du sujet, le viol. Aucun des chorégraphes ayant traités du Sacre du Printemps n’occulte la phase de viol, qui est au contraire la plus esthétisée de toutes. Prenons en exemple les versions de Maurice Béjart et d’Angelin Prejlocaj.

Chez Maurice Béjart, dès la première scène, les femmes en blancs, offrent leur corps. Jambes écartées en position lascives au sol, elles abandonnent en sensualité leur chair. Elles aguichent, se pâment, séduisent ; de là à dire qu’elles attendent une relation sexuelle, il n’y a qu’un pas.

Chez Prejlocaj, 50 ans plus tard, plus débridé, tout aussi archaïque. 1ere minute de plateau : les femmes baissent leur culotte devant le regard appréciateur des hommes, puis dansent, culotte au pied, avant de l’ôter définitivement. Elles paradent autour de ceux qui ramassent et reniflent les sous-vêtements négligemment laissés au sol. Les danseuses entament par la suite,  une chorégraphie au paroxysme de la sensualité (se touchent et se dévêtissent) en se mouvant, laissant les hommes regarder entre leurs jambes. Seconde partie de la pièce, la violence commence, on sort du rapport érotique, le rapt débute, les femmes tentent de repousser les hommes qui les violent. L’une d’entre elle, l’élue,  se retrouve seule et encerclée pour une quinzaine de danseurs.  Ces habits lui sont arrachés de force, elle subit un viol collectif et sera laissée pour morte, nue.

Que l’on ne s’y trompe pas, je n’ai rien contre une scène érotique dans la danse contemporaine, chez Béjart comme chez Prejlocaj (qui le réalise avec brio). Cependant, dois-je rappeler que nous traitons là d’une histoire de viol ? Je considère qu’il est grave de sous-entendre qu’elles créent le désir, alors qu’elles ne sont que les victimes d’un sacrifice humain. Traiter de sexualité autour d’une histoire de violence prouve bien que ces chorégraphes n’ont rien compris de ce qu’est le viol. Un rapport de domination oui, de la sexualité débridée non ! Et cette idée, nous la trouvons quotidiennement dans notre monde hiérarchisé entre hommes et femmes. Les femmes violées le savent bien, c’est le seul crime commit où l’on met en cause la victime, elles n’auraient qu’à ne pas être attirante, ne pas se vêtir ainsi, ne pas croiser les regards, ne pas sortir seule, ne pas boire ou se droguer en soirée. Dans Le Sacre du Printemps, la culture du viol prend également forme dans ces esthétiques de la violence sexuelle, esthétiques que l’on retrouve dans la pornographie (si on peut dire ça), les femmes apprécieraient d’être forcée, d’être dominée et les hommes banderaient sur ces non consentements.  Il est tordu de traiter le sujet de la sorte, et j’accuse ces chorégraphes de corroborer des théories sinistres. Faites donc des pièces érotiques sur la sexualité consentante, mais par pitié quand vous traitez de viol, faites des œuvres sur la violence sans mettre en cause les femmes.

II. Détournement de la forme primitive du Sacre

Quelques chorégraphes contemporains ont cependant, choisi de transfigurer cette histoire ou de témoigner de l’horreur dont elle parle.

La chorégraphe allemande Sasha Waltz nous avoue dans une interview s’être posée la question : « Pourrais-je sacrifier une chose plutôt qu’un être ? Ou un homme plutôt qu’une femme ? » Pour elle, la résurrection du printemps pourrait passer par le sacrifice que ferait un groupe d’une de leur valeur commune, que serions-nous prêt a donner de nous pour que le cycle de la vie continu ? Un prisme de questionnement plus intéressant, qui concerne d’avantage l’ethnologie. Cependant, la Chorégraphe explique avoir pris la décision de sacrifier une femme, elle aussi, de manière à témoigner des rituels historiques qui ont, pour la plupart, été au détriment de ces dernières.

Pour Pina Bausch, autre chorégraphe allemande, le Sacre du printemps est une occasion de parler de la mécanique d’exclusion que subissent les femmes violées. Elles sont en effet ostracisées et observées par le reste de la population dans cette version de l’œuvre. Nous assistons au viol de l’élue, en sommes témoin, public comme danseurs. Elle sera rejetée comme responsable de son « impureté » et ne sera jamais réintégrée au groupe.

Pour Heddy Maalem, le détournement va plus loin, de la façon la plus pertinente qui soit. Ce sacrifice représente celui des populations noires pendant la colonisation française. Dans cette version pas de sacrifice féminin mais l’occasion de lever le voile sur un sujet tabou, le rejet et l’esclavage de populations entières pour la prospérité d’un pays. Pas de bourreau sur scène, il se trouve déjà dans l’Histoire  coloniale que porte le public.

Rendre hommage à ses fondateurs sans rendre hommage aux poncifs autour des femmes et des violences qu’elles connaissent. Voilà, un sacré challenge pour la danse contemporaine !

Terpsichore

L’Abolitionnisme, qu’est-ce que c’est

I. Quelques informations et chiffres autour de la prostitution

La prostitution est l’acte de louer/vendre son sexe, sa bouche, son anus, son corps en contrepartie d’une somme d’argent (ou plus largement contre un logement, une protection, de la nourriture). C’est aussi le fait de commercialiser de façon légale ou illégale des services et/ou des produits sexuels et d’exploiter le corps humain, plus particulièrement celui des femmes et des enfants, dans un but lucratif. La prostitution est également,  un système qui organise l’exploitation et l’appropriation du corps de femmes, d’enfants et d’hommes : le système prostitueur.

  • Dans le monde, 98 % des personnes prostituées sont de sexe féminin et 75 % d’entres elles ont entre 13 et 25 ans.
  • En France, 90 % de ces personnes sont étrangères et la même proportion sont sous le joug du proxénétisme (elles appartiennent à un réseau ou à un Boss si vous voulez).
  • 80 % d’entre elles, avouent avoir été victimes d’agressions sexuelles par un adulte avant leur 15 ans.
  • Leur taux de mortalité est 40 fois supérieur au votre, et elles ont 60 à 120 fois plus de risques d’être battues ou assassinées que le grand public. En Australie, par exemple, où la prostitution est légalisée, 85 % de ces femmes, déclarent avoir été victimes de sévices sexuels et 75 % de viols au cours de leur service.
  • On estime que l’âge moyen d’entrée dans la prostitution est 14 ans, et on compte en France entre 3000 et 8000 mineures prostituées. Ce qui implique bien évidemment qu’avoir recours à une prostituée, même adulte, c’est avoir recours à une prostituée qui le fut enfant dans la plupart des cas.

Pour finir, le système prostitueur est l’un des plus lucratifs du monde avec un chiffre d’affaire annuel de 187 milliards de dollars, c’est plus que l’industrie pharmaceutique par exemple. On estime qu’une prostituée rapporte à son proxénète 107 000 euros par an et qu’elle  touche environ 15 % de la somme que lui reversent les clients.

Voilà le visage de la prostitution et de son système d’exploitation, bien loin de Pretty Woman ou des films de François Ozon.

Voir les liens en bas de page

II. L’abolitionnisme : qu’est-ce que c’est ?

L’abolitionnisme est un projet politique de société, porté le plus souvent par des féministes, qui fixe un idéal, un objectif : un monde sans prostitution. Nous ne croyons pas à la fatalité du « plus vieux métier du monde » (ou « plus vieux scandale de l’espèce humaine » de mon point de vue). En fait, comme Victor Hugo, on pense que «  l’esclavage n’a pas disparu de la civilisation européenne. Il existe toujours, mais il ne pèse plus que sur la femme, et il s’appelle prostitution » (1862). On propose donc une sortie de ce modèle inégalitaire et esclavagiste. Pour nous, la prostitution n’est pas du domaine privé de la sexualité à partir du moment où entre en jeux une valeur marchande, donc publique. On s’inscrit également dans une ligne politique de gauche, qui est celle d’encadrer le libéralisme économique comme dans le reste des domaines. On condamne fortement la marchandisation d’un corps comme produit de consommation. Comme le dit si bien Richard Poulin : «  la prostitution prétendument libre relève du libéralisme et non de la liberté ».

C’est donc construire une sexualité plus égalitaire que de refuser « le droit historique des hommes à disposer du corps des femmes » (L. Rossignol). Car en effet, la prostitution est une forme de négation du plaisir/ désir féminin puisqu’il part du présupposé que les femmes s’acclimatent ou ont envie d’une sexualité tarifée (certains diront même qu’avec eux les prostitués ont du plaisir AHAH) et que les hommes ont des désirs si forts qu’ils sont prêt à payer pour les assouvir. Comment alors considérer pleinement la sexualité féminine quand elle est envoyée au rang de « service» pour ces messieurs ? Pour aller plus loin, c’est même donner le signal au genre masculin, que les corps féminins sont plus à disposition d’autrui que les corps masculins. Et vous voyez bien que c’est une idée largement répandue dans la société patriarcale (agression verbale de rue, agressions sexuelles, viols). Oui, oui, de la prostitution au viol, il n’y a qu’un pas. Et je vais même aller plus loin, avoir recourt à la prostitution, C’EST DU VIOL.

Par ailleurs, la prostitution est reconnue depuis 2010 par la France comme une violence, dont les femmes sont le plus souvent victimes. Et ce que nous proposons avec l’abolitionnisme est simple. C’est de pénaliser les auteurs de violences, et non leurs victimes.

En quelques phrases, l’abolitionnisme c’est :

–       La suppression des mesures répressives à l’encontre des personnes prostituées ;

–       La condamnation de toutes les formes de proxénétisme ;

–       Le développement d’alternatives réelles et de programmes de sortie de la prostitution ;

–       L’interdiction de tout achat d’un acte sexuel ;

–       La mise en en place de politiques de prévention, d’éducation à l’égalité et à la sexualité ;

–       Le développement de politiques de prévention dans les pays d’origine des personnes prostituées.

III. Les principaux arguments contre l’abolitionnisme

Croire qu’on pourrait éradiquer la prostitution, c’est une utopie, un monde de Bisounours ?

Nous n’avons jamais pensé qu’abolir le système prostitueur se ferait en une journée, ni même une année. Nous souhaitons, comme pour l’abolition de l’esclavage, nous inscrire dans cette démarche humaine et positive au long terme. Aller dans le bon sens en garantissant l’impossibilité de la traite d’être humain, en finir avec la marchandisation des corps. Par ailleurs, l’utopie, le monde de bisounours, serait plutôt de croire que la prostitution est un lieu enchanté où les prostituées aiment juste « faire l’amour », qu’elles ne subissent aucune pression, et que dans ces orgies psychédéliques des paillettes tombent du ciel à chaque éjaculation faciale.

 Et si on ré-ouvrait plutôt les maisons closes ?

L’idée peut sembler alléchante, une bonne façon d’encadrer la violence. Mais la réalité est toute autre, et en France nous pouvons profiter de l’expérience de nos voisins (Danemark, Belgique, Espagne). Ces pays aujourd’hui font face à un tourisme sexuel qui ne les enchante guère, et le système soumet encore les femmes à une politique marchande (il existe des soldes imposées en Espagne : c’est la loi du marché les gars !). Honnêtement, l’idée est en réalité farfelue, aurions-nous créé des lieux clos dans lesquels l’esclavage aurait pu rester existant ? Et cette idée d’encadrement, ne met absolument pas fin à ce que la prostitution insinue dans nos sociétés (inégalités, violences, marchandisation).

Que fait-on des prostitués qui l’ont choisi ?

Comme expliqué précédemment, on estime à moins de 10 % la « prostitution choisie ». Mais soit. Tout d’abord, l’addition des consentements, ne permet pas de constituer pas un projet de société. Prenons l’exemple du don d’organe. Je pourrais trouver facilement en France, des personnes en situations suffisamment précaires pour accepter de me vendre leur rein. Cependant, devons nous accepter, en tant que société, que je puisse m’offrir le rein d’autrui ? Devons-nous autoriser des gens à prendre une telle disposition sur le corps d’un autre. Non. La réponse vaut pour la prostitution.

Pour finir, je vous renvois à la citation de Richard Poulain, il s’agit de libéralisme économique, non de liberté individuelle.

Abolir la prostitution c’est toucher aux libertés sexuelles et faire preuve de puritanisme, être moralisateur !

A partir du moment où un acte sexuel est soumis à une valeur marchande, il sort du cadre de la sexualité privée, il devient un produit de consommation. Les libertés sexuelles ne sauraient se trouver dans la prostitution : c’est une liberté d’achat, la liberté de disposer du corps d’un autre, pas la liberté de disposer de SON corps. Par ailleurs, la liberté sexuelle implique le consentement, mais dès lors qu’il y a une contrepartie, ce consentement est biaisé. Je ne le dirai jamais assez, le consentement c’est quand deux personnes adultes (ou plus) disent OUI, sans contrepartie, juste pour « se donner du plaisir », mutuellement.

Sur la morale, Charlotte Brontë a écrit : « La convention n’est pas la morale. La religiosité n’est pas la foi. Attaquer les premières n’est pas assaillir les secondes. » Et c’est bien ça, en s’attaquant à la convention qu’est la prostitution dans nos sociétés, on ne s’attaque pas à la morale. Nous ne dictons pas le bien du mal en matière de sexualité. Nous affirmons simplement, qu’il n’est pas de sexualité libre sans le consentement réel des deux partis. Qu’il n’est pas de sexualité égalitaire tant que persiste une sexualité tarifée.

La prostitution libère les hommes de leurs pulsions et protège ainsi les autres femmes

Je ne crois pas aux pulsions sexuelles masculines. Elles ne sont que désirs contrôlables, comme pour les désirs sexuels féminins, désirs que certains ont appris à assouvir contre rémunération.  En complément, des études (notamment américaines) montrent clairement, que là où se trouve de la prostitution légale et illégale (dans une région, dans une rue), le nombre d’agressions sexuelles et de viols est plus important qu’ailleurs. En clair, lutter pour l’abolition de la prostitution, c’est donc bien lutter contre une idée globale de disponibilité du corps des femmes et de violences à leur égard.

Le modèle suédois est un échec

Depuis plus de 10 ans que la Suède est devenu un pays abolitionniste, beaucoup de rumeurs ont circulées. La violence envers les personnes prostituées se serait accrue et il y aurait toujours autant de prostitution. Tout cela est évidemment faux. La prostitution de rue a été divisée de moitié, aucun chiffre ne montre une recrudescence de violences et de nombreux réseaux ont été démantelés, à tel point que certains d’entre eux ont fuit le pays.

On observe également, qu’il y a 10 ans, un homme sur 3 avait recours à l’achat de services sexuels, aujourd’hui seul un homme sur huit.  Cela montre bien que l’éducation est une part importante d’un projet abolitionniste qui fonctionne. Dans 90% des cas, les clients de la prostitution ont payés leur premier achat sexuel avant 25 ans, ce qui implique qu’en éduquant les jeunes, ils n’y auront jamais recours.

IV. L’actualité d’un projet de loi

Ce mardi 17 septembre, la députée de l’Essone Maud Olivier a présenté au groupe parlementaire PS sa proposition de loi pour l’abolition du système prostitueur. Il sera donc déposé à l’Assemblée Nationale, si le projet de loi est retenu. C’est avec un enthousiasme fou que les abolitionnistes et moi-même attendons, son dépôt effectif et le début des débats parlementaires. Je rappelle qu’en 2011, l’Assemblée Nationale avait positionné la France dans une démarche abolitionniste en votant à la suite d’un rapport sur la prostitution en France, plus connu sous le nom de rapport Geoffroy – Bousquet.

« Cette proposition de loi constitue également une occasion historique pour la France de renouer avec sa tradition humaniste. Vouloir abolir le système prostitueur c’est laisser dernière nous cet archaïsme machiste. Après avoir été le pays des droits de l’homme, la France pourrait rejoindre le peloton de tête des pays précurseurs en matière de droits des femmes » . (Osez le Féminisme).

Je m’associe donc à l’association Osez le Féminisme, pour faire preuve d’attention et de vigilance à ce que la proposition de loi inclue bien :

  • La protection des personnes prostituées :

– La suppression de toute forme de répression à leur encontre,

– La mise en place d’un plan national d’envergure d’alternatives à la prostitution avec des moyens conséquents,

– La régularisation immédiate des personnes prostituées étrangères

  • La fin de l’impunité des clients prostitueurs :

–  L’interdiction de l’achat d’un acte sexuel dans le code pénal,

– Le renforcement de moyens visant à la prévention et à l’éducation à l’égalité

  • Le renforcement des moyens effectifs de lutte contre toutes les formes de proxénétisme et l’accès à une réparation intégrale du préjudice subi par ses victimes

Pour conclure, je vous demande de bien vouloir faire preuve de vigilance dans les moments de débat que nous allons vivre, car les médias ont toujours fait preuve d’une complaisance à l’égard de la prostitution. En effet, il n’est désormais plus rare de croiser Dodo La Saumure sur un plateau de France 3, de lire des inepties dans Libération (http://www.isabelle-alonso.com/libe-la-saumure/) ou « LUI », d’entendre des comédiens ou des cinéastes nous donner leurs visions romantiques de l’achat d’un corps ou E. Badinter se perdre dans ce qu’elle ne comprend plus.

Terpsichore

Pour aller plus loin ou consulter mes sources : 

www.fondationscelles.org‎ ; http://www.mouvementdunid.org ; http://zeromacho.wordpress.com ; http://www.abolition2012.fr ; http://www.osezlefeminisme.fr

– « Renaitre de ses hontes ». Laurence. Ed. Le Passeur (Témoignage d’une survivante de la prostitution)

Et sur Twitter

Patric Jean, Christine Le Doaré et Lise Bouvet

Le féminisme, j’y suis arrivé…

Lettre à ces hommes de mon entourage qui n’entendent pas le féminisme

Chers amis, famille, collègues,

Vous avez tous, au moins une fois, fait la moue ou ri doucement en m’entendant parler de mon engagement féministe ; exprimé votre désaccord avec le terme « féminisme » ou vos limites sur ses combats ; dénigré par l’ignorance ou  l’humour ses luttes. Je voudrez, par la présente, vous dire solennellement : Je ne vous en veux pas. Vous et moi sommes devenus hommes et femmes selon l’attente sociale d’une société patriarcale (ou viriarcale).

Permettez-moi simplement, de vous demander la faveur de lire ce que je vous adresse.

            Je suis née privilégiée : blanche, en bonne santé, dans une famille aimante de classe moyenne, je suis cis genre et plutôt hétérosexuelle. Cependant,je suis femme. Et ce « cependant » est important. Le monde est fait de catégories hiérarchisées entre elles, et là où les rôles sont genrés, ils le sont au désavantage des filles.

J’hérite de mon féminisme par l’Histoire,  d’Olympe de Gouges, d’Hubertine Auclert, de Solitude, de Nicolas De Condorcet, de Louise Michelle et de tant d’autres. Le mot féminisme vient d’ailleurs d’Hubertine Auclert qui reprit ce terme attribué négativement aux hommes efféminés du XIXe siècle, pour catégoriser les militantes des droits des femmes. Mon féminisme vient de là. Ce terme, j’y tiens !

Ce que je voudrais faire entendre, c’est que les femmes qui comme moi, le portent, sont toutes passées par une blessure. Une blessure qu’il ne faut pas moquer. Certaines, plus fortement que d’autres, mais la fracture a bien une date. Un coup, une agression, un viol ; pour d’autres une remarque, un choc.

Pour moi une série de prises de conscience. Violente.

  •  Ce jour au collège où l’on vous demande quel est votre personnage historique préféré, et où en cherchant, mis à part Buffy, vous ne connaissez pas de personnages de l’Histoire véritable qui soit une femme et que vous admirez. Normal, les femmes n’ont pas dues faire grand chose.
  • Ce jour où l’on commente pour la première fois à haute voix la longueur de vos vêtements. Normal vous ne portiez pas souvent de jupes avant ça.
  • Ce jour où l’on vous a réprimandée parce qu’il n’est pas féminin de dire des grossièretés ou de parler de sexualité avec cette désinvolture. Normal, vous sentiez bien que vous n’aviez plus de limites dans cette période d’adolescence.
  • Ce jour où votre père vous demande de secouer la nappe et tend son assiette négligemment vers vous pour être servi à table. Normal, on vous l’a déjà dit ; « vous faites ça très bien ».
  • Ce jour au lycée où l’on parle de sexualité, de contraception, d’IVG et où les réactions montrent que les gens ont un point de vue sur ce que vous devriez faire de votre corps de fille : ne pas accepter trop facilement une relation sexuelle qui vous fait pourtant envie, ne pas prendre à la légère ces choix de pilule que vous faites endurer à votre corps. Normal, les gens souhaitent vous protéger.
  • Ce jour où votre premier petit ami se vante d’être le seul et unique à « vous êtres passé dessus ». Normal, c’est de la possessivité amoureuse.
  • Ce jour où vous vous séparez de ce petit ami et que pendant le déménagement il vous met de coté les produits d’entretien « parce que vous les aviez achetés ». Normal, il n’en a pas l’utilité.
  • Ce jour où l’on vous a proposé de «  vous enculer » dans le métro parce que votre robe seyait à vos fesses. Normal, vous rentriez tard et seule du travail.
  • Ce jour où l’on vous a expliqué que la sexualité est un besoin pour les hommes, et qu’en tant que femme, vous n’en compreniez pas les fièvres. Normal, j’entends plus souvent les copains que les copines parler de sexe.

Oups wait ?! NORMAL ???

La pilule, comme je l’appelle, fut dure à avaler. Je suis d’un genre oppressé, dévalorisé, mes paroles, mes tenues, mes relations sociales plus largement sont entachées de mon sexe : le sexe plat, le sexe faible. Bref, je porte le gène de l’éponge. Ma condition est celle d’un dominé. Comme un jeux de carte, où quel que soit votre main, votre perdrez.

C’est en moquant le féminisme et ceux et celles qui en sont, que vous niez cette hiérarchie, freinez l’ascension vers l’égalité réelle et nous renvoyiez sans cesse à notre sexe. Je souhaite lutter contre le sexisme du monde, merci de ne plus moquer ces blessures et à défaut d’adhérer de ne pas prendre cet engagement à la légère. Ne me libérez pas, je m’en charge !

A mon frère qui m’a accompagné en avalant la pilule avec moi,

Pour aller plus loin sur les prises de conscience : http://www.viedemeuf.fr

Terpsichore

Danse : Art féminin, féministe ou sexiste ?

I. L’art le plus féminin ?

La danse est un art (ou sport) consacré aux filles dans nos sociétés. Parmi ceux qui la pratiquent en France, on compte plus de 87,4% de filles (chiffre 2011 INSEE). Cependant, cela n’a pas toujours était le cas. En effet de la préhistoire au moyen-âge, la danse est une forme de célébration collective, d’abord religieuse puis profane. À la renaissance, on pratique la danse de cour puis on invente le bal pour danser en couple. Au XVII et XVIIIe siècle, la danse baroque est prédominante, elle marque la création du ballet, le début des représentations scéniques. Et ne concerne plus que les hommes. Il faut attendre le ballet romantique au XIXe siècle pour rencontrer ce qui deviendra le mythe de la danseuse, vaporeuse et légère en jupette de mousseline. Depuis lors, cette idée s’est diffusée par la danse classique et a une très forte influence.

Aujourd’hui, on a toujours beaucoup de mal à se détacher de cette conception bien qu’il existe de nombreuses autres formes de danse dans lesquelles le cliché n’opère pas ; ailleurs dans le monde par exemple ou dans les danses jazz, contemporaine et hip-hop aujourd’hui plus populaire. On entend encore bien souvent des expressions consacrées de type : « fais pas ta danseuse » ; ou récemment dans un documentaire sur le football féminin : « on est pas des danseuses nous » pour signifier la difficulté de leur sport. Cette image est très éloignée de la réalité physique d’une discipline telle que la danse.

De nos jours le monde de la danse est également un lieu où il apparaît que la communauté homosexuelle se sente moins rejetée. En effet, l’homosexualité féminine ou masculine est bien souvent accueillie avec la plus grande banalité. Le patriarcat aurait-il oublié de soumettre cette partie de la société dans laquelle se trouve une majorité de fille ?

La réponse est NON. Nous allons voir comment.

 

II. Art sexiste ?

De toute évidence, la représentation du monde qui se fait sur une scène dans un ballet est à l’image de la société : c’est à dire patri-viriarcale. En effet, cet art est ULTRA-genré.

Pour les garçons la puissance et la performance physique y sont de rigueur :

  • – Les corps y sont ciselés, taillés de façon virile (ex : un homme de moins de 1,70 m, ne pourra pas danser pour un opéra)
  • – Leur danse est plus saccadée, plus lourde (ex : hip hop) et performative (nombre de pirouette, hauteur de sauts)
  • – Le porté leur est exclusivement réservé.

Pour les filles :

  • – Légèreté, fébrilité et flexibilité sont la norme. Les sauts sont silencieux et les ports de bras lyrics.
  • – L’apprentissage à l’adolescence passe par dissimuler tout ce qui pourrait avoir attrait au corps féminin (on gomme poitrine et fesse). On contrôle les poids des demoiselles de manière à les conformer à la minceur. Un corps neutre sur lequel on accolera des attitudes « féminines ».
  • – En danse classique il est impossible pour une fille d’avoir les jambes écartées face au public, elles seront toujours croisées et la demoiselle toujours orientée de ¾.
  • – Une femme ne peut pas prendre trop de place sur la scène, ces gestes ne doivent pas être trop volumineux (ex : les menés) (Pour aller plus loin sur le genre et l’espace http://antisexisme.net/2012/04/09/le-genre-et-lespace/ )

Tout est fait pour corroborer les représentations d’une prétendue « nature » entre les sexes et les genres. Cela s’appuie également, sur un choix de contes archaïques qui seront chorégraphiés ( La belle au bois dormant, le lac des signes, Casse noisette).

Par ailleurs, le pouvoir décisionnaire et créateur ainsi que l’histoire de la danse est faite par les hommes. Sur les 19 Centres Chorégraphiques Nationaux français, 15 sont dirigés par des chorégraphes de sexe masculin. Les grands noms de la danse les plus cités sont Maurice Béjart, Rudolph Noureev, Merce Cunningham, Vaslav Nijinski ou plus récemment, Angelin Prejlocaj.

Mais rien n’est perdu… je vous rassure.

III. Art féministe ?

La danse est un lieu où le poids du contrôle sur les corps féminins trouve ces limites. En effet, le rapport à la nudité, parfois complète, des danseuses y est plus sain que dans d’autres domaines. En danse contemporaine, les danseuses se rapprochent d’une artistique du corps comme outil et non comme objet ; pas d’exhibitionnisme relevant de la pornographie ou de toute image habituelle des corps féminin. Cela est souvent perçu par un public non averti comme choquant, car nous le savons bien, il y a ce que le patriarcat souhaite montrer du corps des femmes, et ce qu’il souhaite masquer. La danse contemporaine s’affranchie de ces dictats.

Et puis l’histoire va dans le bon sens. Depuis la naissance au XXe siècle de nouvelles formes de danse, les femmes ont pris de la place. D’Isadora Duncan (1877-1927) qui choquait par sa nudité sous un voile léger, aux grands noms de Caroline Carlson ou Pina Bausch. Les danseuses n’hésitent plus à s’asseoir dans le fauteuil du chorégraphe.

La danse contemporaine a également choisie d’abolir la normalisation des corps : les petits, les géants, les très maigres, les très gros, les handicapés sont désormais les bienvenus.

Pour conclure, certains sujets féministes y sont même traités et je vous invite à voir ce dont la danse est capable :

– Les violences conjugales dans « 32 rue Vandenbranden » de Peeping-Tom

– Le droit à disposer de son corps dans «the art of not looking back » de Hofesh Shechter

– La confusion des genres dans « Octopus » de Philipe Decouflé

A Pina Bausch

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Terpsichore